La véritable histoire du Sahaj Marg

mardi 18 septembre 2007

Essai d'analyse des évolutions

(Dernière actualisation le 3 septembre 2009)

Regardons maintenant les convergences et les divergences entre tous ces mouvements. L'enseignement spirituel y évolue de manière incroyable, à tel point qu'on se demande comment ils peuvent tous être issus du même moule.

1. Le syncrétisme spirituel (1857-1945)

D'après Thomas Dähnhardt, Hujur le soufi et Lalaji l'hindou ont volontairement mis en place un enseignement spirituel syncrétique pour abolir les frontières entre religions. Les 11 principes de la Naqshbandiyya prônaient déjà la méditation silencieuse du cœur et le souvenir constant de la présence divine. Le maître déverse l'énergie divine dans le cœur de son disciple en le libérant de ses pensées impures. La responsabilité principale de l'évolution spirituelle de l'aspirant repose dans les mains de son maître, à condition qu'il entre en contact quotidien avec son gourou par le biais de la méditation. Ce travail avait déjà été réalisé par Kabir jetant les bases de Santmat au XVème siècle, mais aussi bien avant lui par d'autres illustres inconnus, le soufisme puisant ses racines dans l'hindouisme, et inversement.

Leurs successeurs ont poursuivi dans cette voie en dissociant pratique et théorie spirituelles. La pratique est restée quasi identique, tandis que la théorie est restée islamique avec les tenants de l'ordre soufi (NaqshMuMra, Golden Sufi Center, etc.) alors qu'elle a été ré-hindouisée par d'autres (le courant "Ramashram", ABSS, etc.). Les termes en arabe ou en persan ont été remplacés par leurs équivalents en sanskrit ou en hindi. Les références au Coran et à Mahomet ont été remplacées par les Upanishads et Lord Krishna.

Il n'en demeure pas moins qu'aucun groupe ne nie les apports historiques respectifs aux deux religions et tous parlent des différents maîtres qui en sont aux origines. Aucun groupe sauf le Sahaj Marg de Babuji…

2. Les spécificités du Sahaj Marg (1945-70)

Premier point : peu à peu, Babuji renie les origines du Sahaj Marg. Il commence par rêver de Lalaji et de ses multiples prédécesseurs soufis, puis il les oublie pour se tourner vers Vivekananda. Bientôt, il l'oubliera à son tour, reprendra Lalaji, mais sans les soufis, puis assimilera le Sahaj Marg au Raja yoga. En matière d'exclusivité, on fait mieux que le Sahaj Marg.

Autres différences quant à l'enseignement : la responsabilité du gourou, l'absence d'effort conscient du disciple en dehors de la pratique de la méditation. Cela, c'était avec ses prédécesseurs. Pour Babuji, le rôle conscient du disciple se renforce, celui de l'enseignant diminue. Chari poussera cela encore beaucoup plus loin…

Dernier point et non des moindres : Babuji invente l'exclusivité. Il est le seul et unique héritier de Lalaji. Ses disciples doivent s'attacher à un maître unique, c'est-à-dire lui-même. De son vivant, Lalaji a eu plusieurs maîtres et il a encouragé ses disciples à en côtoyer plusieurs. Face à l'ouverture d'esprit de Lalaji, Babuji crée ainsi la doctrine et jette (sans le savoir ?) les bases du culte de la personnalité qui va proliférer par la suite.

L'intégralité de la passation de pouvoir entre Lalaji et Babuji repose uniquement sur les rêves de Babuji. L'accepter, c'est croire au seul récit de Babuji, c'est adhérer au principe de ses innombrables inter-communications avec un mort, en dépit de tous les faits qui nous sont rapportés. C'est aussi découvrir le côté paranoïaque de Babuji qui voit des ennemis partout, autant à la création de la SRCM que juste avant sa mort…


3. Les évolutions actuelles de l'enseignement (1970-2007)

En 1970 déjà, le Docteur K.C. Varadachari alerte Babuji sur les risques de dérives de l'enseignement du Sahaj Marg. Il s'émeut du matérialisme qui grignote la SRCM au détriment de la spiritualité et dénonce des évolutions sensibles dans l'enseignement du Sahaj Marg par les précepteurs… Mais il meurt peu après et personne ne reprendra son combat. Tous semblent parfaitement s'accommoder de la baisse de qualité de l'enseignement et de la montée du matérialisme, son fils Narayana compris…

On est déjà loin du Sahaj Marg initial, méthode réputée à l'usage individuel des chercheurs spirituels. Il se pare d'un objectif à portée universelle : faire basculer le monde vers la spiritualité. Et cela ne pourra avoir lieu avant que le nombre d'adeptes n'atteigne un certain seuil obligé. C'est le début du prosélytisme.

S'ensuit alors une querelle de succession comme on n'en fait plus, qui se cristallise avec le décès de Babuji. Pour la SRCM de Shahjahanpur, emmenée par S.P. Srivastava, Umesh Chandra Saxena puis Navneet Kumar Saxena, Babuji ne sera jamais remplacé, il ne peut y avoir de maître vivant et la SRCM doit rester à Shahjahanpur, dirigée par ses descendants, tout comme Lalaji en son temps avait privilégié la lignée familiale à la lignée spirituelle soufie de Hujur Maharaj.

Pour K.C. Narayana, Chari a été nommé président mais pas représentant spirituel. Il quitte la Mission en 1990, quand Chari commence à se présenter comme le "Maître vivant" et réclame amour et dévotion de la part de ses diciples. Pour lui, Babuji est le seul et unique maître, éternellement vivant. Pour la SRCM®, Chari est le président, le représentant spirituel, et il va aussi devenir progressivement le maître vivant, seul successeur de Babuji.

Président, représentant spirituel et maître vivant. On peut considérer que les différents courants actuels issus du Sahaj Marg se différencient sur ces aspects spirituels. Mais on peut aussi adopter une toute autre vision, beaucoup plus matérielle et humaine. L'attrait du pouvoir flatte les égos surdimensionnés de ces petits chefs. Il est difficile de ne pas succomber à la tentation de se voir adulé par des foules…

De tous les successeurs de Babuji, Chari est indéniablement celui qui a le mieux réussi. Reprenant à son compte l'objectif prosélyte de Babuji, il a le génie de réussir à instrumentaliser le culte de la personnalité déjà sous-jacent en réclamant amour et dévotion sans provoquer l'éclatement du mouvement. Peu à peu, il modifie subtilement la prépondérance des différents outils et en crée de nouveaux. Il relègue ainsi les dix commandements au rang de maximes, entretient soigneusement l'ambiguïté entre maître et divin, développe le souvenir constant…

La qualité de l'enseignement est délaissée au profit d'un simple vernis. Les précepteurs subissent la pression du patron pour multiplier les nouvelles recrues. Le prosélytisme triomphe enfin vraiment !